Le 11 juin dernier, la commune de Coaraze a rendu un hommage émouvant à Félix Giordan, résistant coarazien fusillé en 1944, membre du groupe des “11 du Verdon”. Une cérémonie de recueillement et de mémoire, à laquelle ont participé habitants, élus et famille du résistant.
C’est Éloïse, la plus jeune des petites-filles de Madame le Maire, qui a accompagné Claude et Christiane, deux des nièces de Félix Giordan, pour déposer une gerbe au pied de la plaque commémorative portant son nom.
Réuni·es à l’ombre de la place, les participants ont écouté avec attention le discours d’Alain Ribière, adjoint à la culture, avant de découvrir l’interprétation poignante du poème L’Affiche rouge de Louis Aragon, chanté par Arthur Teboul, le chanteur du groupe Feu! Chatterton.
Discours d’Alain Ribière – Adjoint à la Culture
Le 8 mai, nous célébrions devant le Monuments aux Morts le 80e anniversaire de la Victoire de 1945.
Cette victoire est d’abord une victoire militaire.
Elle a, bien sûr, été obtenue grâce à l’alliance des pays – démocraties parlementaires, comme “républiques socialistes” – opposés aux régimes nazi ou fascistes en place en Allemagne, en Italie, au Japon et dans quelques autres pays.
Mais elle est dû aussi à l’engagement quotidien, au travail souvent anonyme de milliers d’hommes et de femmes qui sont « entréˑes en résistance » dans la France occupée, dans l’Italie de Mussolini et même dans l’Allemagne nazi.
Félix Giordan est de ceux là. Il l’a payé de sa vie.
Le 11 juin 1944, il faisait partie des “11 du Verdon”. Ces résistants arrêtés au cours des jours ou des semaines précédant le 11 juin, incarcérés à Nice puis transportés par la Gestapo jusqu’à Saint-Julien-du-Verdon où ils sont « fusillés », comme il est écrit sur la plaque commémorative. J’aime mieux dire abattus. Exécutés sans jugement. Laissés pour morts dans le pré où ils avaient été amenés et sur lequel deux d’entre-eux étaient encore en vie au départ de leurs bourreaux.
Ce matin, comme tous les ans, l’événement a été commémoré à Saint-Julien-du-Verdon sur les lieux même de l’exécution. Albert Philip y représentait la commune de Coaraze.
Si elle est victoire militaire des Alliés sur les puissance de l’Axe, la victoire est aussi celle de la démocratie sur la dictature, des valeurs universelles et de la pensée libre et critique sur l’obscurantisme et l’endoctrinement.
Dans le discours qu’elle a prononcé le 8 mai place du château, madame le maire s’interrogeait. « Est-ce vraiment une victoire que nous célébrons ? » questionnait-elle, pointant les dérives actuelles dans nos États dits démocratiques. Dérives de gouvernants qui ne respectent plus les lois de leurs propres pays, dérive de citoyennes et citoyens déboussoléˑes qui croient trouver solution à leurs propres difficultés en désignant des boucs émissaires.
Inutile de redire ici ce qui a été si bien dit par madame le maire il y a un mois (pour celles et ceux qui n’en aurait pas pris connaissance, le discours est disponible sur le site Coaraze.com, dans la dernière Newsletter… et dans le Sota Ferion du mois de juin).
Aujourd’hui, peut-être est-t’il temps d’entrer à nouveau en résistance ?
À tout le moins, soyons vigilantˑes !
Et, comme un symbole tout à la fois d’enracinnement, d’attachement au passé local et de diversité, de culture ouverte sur le monde, il me plait de noter que devant nous, sur ce mur élaboré au dix-neuvième siècle pour créer la place de la Terrasse, se retrouvent en compagnie du résistant coarazien Félix Giordan et du poète coarazien – chantre du renouveau occitan – Alan Pelhon, des artistes de toutes nationalités : l’Espagnol Angel Ponce de Leon, le Belge Alain Derez, le Franco-Suisse Ben, les Français d’origine américaine (Henri Goëtz) ou Estonienne (Sacha Sosno)… héritiers des « artistes dégénérés » (qu’une exposition célèbre en ce moment au musée Picasso à Paris) « purgés » par le régime nazi, et dont les œuvres font aujourd’hui la renommée de Coaraze !
En hommage à félix Giordan, à la liberté retrouvée, à la diversité des résistances, je vous propose d’écouter un poème de Louis Aragon, mis en musique par Léo Ferré et chanté par Arthur Teboul (du groupe Feu Chatterton) à l’occasion de l’entrée au Panthéon, l’an dernier, des cendres de Missak et Mélinée Manouchian : l’Affiche rouge.